top of page
Rechercher

Antigone - Jean Anouilh





“Ne tente pas ce qui est au-dessus de tes forces. 

Tu braves tout toujours

mais tu es toute petite Antigone. 

Ne va pas là bas”










  1. Résumé

  2. Conditions d'écriture : Jean Anouilh

  3. La pièce

  4. Analyse des personnages

  5. Quelle question a voulu répondre l'auteur avec cette pièce ?



  1. Résumé


La scène se passe à Thèbes.

Les deux fils d'Œdipe, Étéocle et Polynice, se sont entre-tués sous les murs de la ville pour le trône.

Le roi Créon a ordonné de n'enterrer qu'Étéocle, laissant sans sépulture celui qu'il considère comme un traître, Polynice. En faisant cela, selon les croyances anciennes, il condamne son âme à errer éternellement. Quiconque enfreindrait la loi sera puni de mort.

La sœur d'Étéocle et de Polynice, Antigone, ose braver l'interdit et défier Créon.

Après un long débat avec son oncle, elle est condamnée à être enterrée vivante.

Elle se pend dans la caverne où elle est emmurée, et Hémon, son fiancé et fils de Créon, se suicide sur son corps.



  1. Contexte d'écriture


Jean Anouilh est un dramaturge et scénariste né le 23 juin 1910 à Bordeaux et mort le 3 octobre 1987 à Lausanne, en Suisse. 


En 1923, au lycée, son amour pour le théâtre se manifeste. Anouilh se nourrit des lectures de Jean Cocteau, Paul Claudel, Luigi Pirandello et George Bernard Shaw.



“Dès les premières répliques quelque chose fondit en moi : 

un bloc de glace transparent et infranchissable qui me barrait la route. [...]

Jean Cocteau venait de me faire un cadeau somptueux et frivole : 

il venait de me donner la poésie du théâtre”



Entre 1929 et 1930, Anouilh devient secrétaire général de la Comédie des Champs-Élysées, dirigée alors par Louis Jouvet, avec qui il développe une relation d’amour-haine. En octobre 1931, Jean Anouilh est mobilisé et part faire son service militaire à Metz puis à Thionville.

Son œuvre théâtrale commence en 1932 avec quatre pièces. La première fut un échec, mais les trois autres connurent une certaine notoriété.

En 1936, Voyageur sans bagage est le premier grand succès d'Anouilh, dans une mise en scène de Georges Pitoëff, alors directeur du Théâtre des Mathurins.


“Il m'attendait, souriant, dans un petit bureau étriqué, tout en haut du théâtre 

(je n'y pénètre jamais depuis, sans avoir le cœur qui bat) 

c'est là que j'ai été baptisé”



En avril 1940, Anouilh est rappelé en service auxiliaire et affecté à la garnison d'Auxerre comme secrétaire d'un commandant. Fait prisonnier en juin, il est finalement libéré.

À l'été 1941, Anouilh et sa femme se réfugient à Salies-de-Béarn, où ils resteront jusqu'en février 1942 ; Anouilh y travaille à ce qui sera sa prochaine pièce, Eurydice.

De retour à Paris, ils tentent de protéger Mila, l’épouse d'André Barsacq, une femme juive d'origine russe. Ils l'hébergent plusieurs mois dans leur appartement. C'est en pleine Occupation allemande qu'Anouilh fait jouer au théâtre de l'Atelier deux "Pièces noires" : Eurydice, puis Antigone, créée le 4 février 1944.


Cette réécriture de la pièce du dramaturge de l’Antiquité grecque, Sophocle, suscite des avis très mitigés. Certains disent que Jean Anouilh fait d'Antigone une figure de la résistance à l'oppression, tandis que d’autres y voient une acceptation de l’Occupation en raison de l’humanité de Créon.

Marc Paquien a souligné cet aspect lors de sa mise en scène de la pièce au Vieux-Colombier en 2012 : « Dans le Paris des rafles, [...] la figure d’Antigone vient soudainement incarner tout l’espoir d’une génération. »


La carrière d'Anouilh sera accompagnée de nombreux succès pendant une trentaine d'années. En 1970, il reçoit le prix de la Critique dramatique pour la meilleure création française (Les Poissons rouges), le prix mondial Cino del Duca pour son message « d'humanisme moderne » et le prix du Brigadier de l'Association des régisseurs de théâtre. Toujours en 1971, Anouilh entre au répertoire de la Comédie-Française. Comblé et malgré les approches de ses confrères, Anouilh refusera l'idée d'entrer à l'Académie française. Dix ans après, Anouilh est à nouveau récompensé, par le Grand prix du théâtre de l'Académie française et par le Grand prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.


Cette même année, en 1980, Anouilh est atteint d'une maladie virale qui lui détruit la thyroïde. En 1983, il est victime d'une crise cardiaque. Très affaibli, il se retire définitivement en Suisse mais, malgré ses faiblesses, il n'abandonne pas sa passion. En 1987, il entre à l'hôpital de Lausanne pour une transfusion et renoue avec son fils Nicolas, avec qui il s'était brouillé, avant de mourir le 3 octobre.



  1. La pièce



Tous les personnages sont sur scène.

Le Chœur, incarné par un seul personnage, nous présente un à un les personnages qui s’y trouvent.


"Voilà. Ces personnages vont nous jouer l’histoire d’Antigone."


Antigone, Créon, Ismène, Hémon, Eurydice, le messager et trois gardes.


Il nous raconte l’histoire qui s’est déroulée et qui fait que les personnages soient là en ce moment sur scène: les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, se sont entre-tués aux portes de la ville. Ils devaient régner un an chacun à tour de rôle, mais Étéocle, après l’année de son règne, n’a pas voulu laisser la place à son frère.

Polynice, ayant gagné le soutien de sept princes étrangers, se rendit à Thèbes pour prendre le trône par la force, mais ils furent tous défaits. Les deux frères s'affrontèrent donc aux portes de la ville et moururent chacun par la main de l'autre.

À leur mort, Étéocle, le bon prince, reçut des funérailles, mais Polynice, le révolté, est laissé sans sépulture à la merci des vautours.


"Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres

sera impitoyablement puni de mort."


Le chœur nous apprend également ce qui arrivera : Antigone, la sœur d'Etéocle et Polynice, mourra.

Le chœur nous raconte donc les raisons et tout ce qui s’ensuivra jusqu'à ce moment fatidique et inévitable.


"Ce qui est beau du temps des Grecs et qui est beau encore,

c’est de connaître d’avance le dénouement.

C’est ça le vrai suspense."



La pièce commence, les personnages sortent de scène pour laisser place à une aube grise dans une maison qui dort.

Antigone, qui s'était échappée du palais, rentre.

Elle est surprise par sa nourrice au moment où elle allait rejoindre à nouveau sa chambre. La nourrice lui demande d’où elle vient. Antigone lui dit qu’elle est allée se promener, mais, étant 4 h du matin, sa nourrice ne la croit pas et suspecte qu’elle est sortie en cachette pour rejoindre un homme. Une véritable honte non seulement à cause de la chasteté exigée aux jeunes femmes, mais aussi parce qu'elle est fiancée à Hémon.


"Elle est fiancée et à 4 h du matin elle quitte son lit

pour aller courir avec un autre."


Mais Antigone se moque tendrement de sa nourrice. Elle sourit tristement à l’idée que sa nourrice pense qu’elle puisse rejoindre un autre amoureux. Elle finit par la consoler et lui dire que, malgré ses doutes, elle n’a rejoint personne et que sa mère, morte, pourrait en témoigner : "Elle sait pourquoi je suis sortie ce matin."


Ismène rentre et les rejoint.

La nourrice les réprimande pour s'être levées si tôt et leur dit qu’elles risquent de tomber malades. Antigone lui demande de leur faire un peu de café.


Les deux sœurs, laissées seules, parlent.

Une atmosphère de mystère s'installe autour de leur conversation.

Ismène lui annonce tout simplement : “Tu es folle.”


Nous comprenons donc les machinations d’Antigone : elle souhaite enterrer son frère Polynice malgré les ordres et la peine de mort prononcée par son oncle, le roi.

Ismène, au courant de ses plans depuis la nuit dernière lorsque Antigone lui a demandé de l’aide pour enterrer leur frère, avoue qu’elle ne veut tout simplement pas mourir.


Ismène : “Moi, je suis plus pondérée. Je réfléchis.”

Antigone : “Il y a des fois où il ne faut pas trop réfléchir.”


Ismène lui parle de l’imposition de Créon, de la hiérarchie de la société, de l'obéissance exigée et de la punition qui s'ensuit de l’anarchie.


Ismène : “Il est le roi, il faut qu’il donne l’exemple.”

Antigone : “Moi, je ne suis pas le roi. Il ne faut pas que je donne l’exemple.”


Antigone reproche à Ismène non pas son manque de courage, mais son insuffisance à agir, malgré la peur.

Ismène tente de la dissuader de ses idées en lui rappelant son fiancé, Hémon.

Antigone est jeune et belle, et sur le chemin du bonheur. Pourquoi abandonner la promesse d’une belle vie ?


Agacée, Antigone demande à sa sœur de partir se coucher. Elle lui promet de rester dans le palais, le jour l'empêchant d’aller enterrer son frère.


Ismène part et la nourrice revient avec du café et des tartines.

Antigone cherche à être consolée dans les bras de sa nourrice comme quand elle était petite.


“Nounou plus forte que la mort.”

“Je suis seulement encore un peu petite pour tout cela.”


Antigone, lugubre, connaît son destin. En sortant du palais à 4h du matin, elle est allée enterrer son frère sans que personne ne s'en rende compte. Elle attend à présent que la maison se réveille pour marcher simplement vers la mort. Il n’y a qu'elle qui connaît ce qui se passe, ce qui va se passer, et elle parle en annonçant son malheur même si personne ne le comprend encore.


(En parlant de sa chienne) “Si elle est trop triste,

si elle avait trop l’air d’attendre tout le temps,

le nez sous la porte comme quand je suis sortie,

il vaudrait peut-être mieux la faire tuer, nounou, sans qu’elle ait mal.”

Nourrice : “La faire tuer, ma mignonne ? Faire tuer ta chienne ?

Mais tu es folle ce matin !”



Hémon paraît et la nourrice les laisse seuls.

Antigone lui demande pardon pour leur dispute de la veille au soir.


“Tu sais bien que je t’avais pardonné à peine avais-tu claqué la porte.

Ton parfum était encore là et je t’avais déjà pardonné.”


(Elle s'était faite belle pour lui avec l’intention de devenir sa femme dans la chair, mais il n’avait pas voulu aller plus loin).

Ils s’enlacent amoureux. 

Elle parle alors du futur et de leur enfant hypothétique. Nous comprenons qu’elle avait planifié d'aller enterrer son frère depuis des jours. Donc la veille au soir, elle avait parlé avec Ismène pour lui partager son plan et lui demander de l’accompagner, raison pour laquelle cette dernière n’avait pas pu dormir de la nuit. D’un autre côté, avec Hémon, elle est allée dans sa chambre afin de le séduire pour passer sa dernière nuit de liberté et de vie avec lui.


“Mais j’étais venue chez toi pour que tu me prennes hier soir,

pour que je sois ta femme avant.”


Elle décide ainsi de rompre ses fiançailles malgré son amour pour lui.


“Jamais je ne pourrais t’épouser.”

“Tu sauras demain. Tu sauras tout à l’heure.”


Hémon part bouleversé sans un mot, comme demandé par Antigone.


Ismène revient avec les émotions à fleur de peau.

Elle tente à nouveau de convaincre sa sœur de ne pas aller enterrer leur frère et de se plier aux ordres de Créon. Elle lui dit à quel point elle l’aime, à la différence de leur frère qui les avait oubliées. Elle la supplie de choisir les vivants plutôt que les morts.

Mais Antigone avoue avant de sortir : “C’est trop tard. Ce matin, quand tu m’as rencontrée, j’en venais.”


Ismène la suit hors de scène en courant.



Créon entre.

Il s'entretient avec l'un des gardes qui veillent sur le cadavre de Polynice qui annonce que malgré la garde des trois soldats, le cadavre avait été recouvert. 


“Pas grand-chose. Ils n’avaient pas eu le temps avec nous autres à côté.

Seulement un peu de terre…

Mais assez tout de même pour le cacher des vautours.”


Dans les croyances grecques antiques, si un mort ne recevait pas les sépultures appropriées, l’esprit du mort errait toute l'éternité sans pouvoir accéder au repos ni aux enfers - le concept de paradis n’existait pas. Toutes les âmes, sauf les héros et les demi-dieux, pouvaient prétendre à accéder aux Champs Élysées.

En recouvrant son frère, Antigone cherche à lui offrir le repos. Créon, de son côté, cherche à le punir et lui nier ce repos dû aux morts.


“La terre était jetée sur lui selon les rites.

C’est quelqu'un qui savait ce qu’il faisait.”


La seule chose qu’ils ont trouvé sur place qui pouvait accuser le perturbateur de la loi était une vieille petite pelle.

Créon et le garde soupçonnent un enfant. Ils parlent de tous les opposants au régime de Créon : les princes étrangers, les prêtres, les chefs révolutionnaires du peuple qui utilisent des enfants soldats, manipulés et convertis.


“Un vrai petit garçon pâle qui crachera devant mes fusils.”


Créon menace le garde de le punir pour négligence. Il exige que personne ne sache rien de l’incident sous peine de mort.

Apeuré, le soldat sort pour avertir ses coéquipiers.

Créon sort avec son page.


Le chœur annonce alors que la tragédie peut enfin commencer.


“C’est cela qui est commode dans la tragédie.

On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien …

après on a plus qu'à laisser faire.

On est tranquille. Cela roule tout seul.”

“Et puis, surtout, c’est reposant, la tragédie,

parce qu'on sait qu’il n’y a plus d’espoir.

On n’a plus à crier, pas à gémir, non, pas à se plaindre,

à gueuler à pleine voix ce qu’on avait à dire,

qu’on avait jamais dit et qu’on ne savait peut-être même pas encore.

Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l’apprendre soi.”


En annonçant que la tragédie peut commencer, le chœur indique que les circonstances sont désormais réunies pour que le drame se déploie, que les protagonistes entrent en scène et que les conflits se développent. C'est un moment crucial où l'attention du public est attirée et où l'intrigue principale va se développer.

Nous savons donc qu’il n’y a pas d’espoir pour Antigone.

L’histoire se déroule tout simplement pour connaître les causes qui l’ont menée à sa fin imminente et irréversible.


“Alors voilà, cela commence.

La petite Antigone est prise.

La petite Antigone va pouvoir être elle-même pour la première fois.”


Antigone, les mains pleines de terre, se dispute avec les gardes qui la mènent jusqu'à Créon.

Les gardes, ayant à nouveau découvert le cadavre de Polynice, l'obligèrent à y retourner en plein jour pour finir sa tâche.

En rentrant, Créon est surpris d’y trouver sa nièce, menottée.


“On aurait dit une petite bête qui grattait.

Même qu’au premier coup d’œil avec l’air chaud qui tremblait,

le camarade dit : ‘Mais non, c’est une bête’.”

“Penses-tu, je lui dis, c’est trop fin pour une bête. C’est une fille.”


Les gardes sortent et Créon et Antigone restent seuls en face à face.

Rapidement, Créon l’interroge et dicte :

“Tu vas rentrer chez toi, te coucher, dire que tu es malade, que tu n’es pas sortie depuis hier. Ta nourrice dira comme toi. Je ferai disparaître ces trois hommes.”


Antigone demande simplement : pourquoi ?


Surpris, Créon reste silencieux.

Il lui demande pourquoi elle a osé aller contre sa volonté, surtout en connaissant les conséquences.


“Tu as peut-être cru que d'être la fille d’Oedipe,

la fille de l'orgueil d’Oedipe, c'était assez pour être au-dessus de la loi.”



Il fait donc le parallèle avec une femme de classe populaire : “Si tu avais été une servante, tu n’aurais pas douté que tu allais mourir et tu serais restée pleurer ton frère chez toi.”

L'attitude de Créon envers Antigone est caractérisée par un mélange de mépris et de condescendance. Malgré le lien familial qui les unit en tant que nièce et oncle, Créon semble sous-estimer Antigone et la considère comme une jeune fille rebelle et capricieuse plutôt que comme une figure sérieuse et déterminée. 


“Il n’y a pas longtemps encore, tout cela se serait réglé par du pain sec et une paire de gifles.”

“Grossis un peu pour faire un gros garçon à Hémon.”

“Thèbes en a besoin plus que de ta mort.”


Antigone ne cherche pas à se défendre et se dirige vers la sortie pour continuer la tâche qu’elle s'est donnée.


En réalisant petit à petit que ses mots n’ont aucun impact sur elle, il tente tout de même de la convaincre de garder le silence et d’oublier ses projets. Pour le moment, personne d’autre que les gardes ne sait que c’est elle qui a confronté l'ordre royal.


“J’ai une chance de te sauver,

mais je ne l’aurai plus dans cinq minutes.”


Il réalise qu’il sera obligé de la faire mourir si elle ne cède pas. Il la prévient que même si elle parvient à recouvrir le corps de son frère, celui-ci sera à chaque fois découvert, ses efforts seront vains.


“Cela, du moins, je le peux.

Et il faut faire ce que l’on peut.”


L’action est incompréhensible pour Créon. Il commence à réaliser petit à petit son sérieux, et elle devient un véritable danger pour lui et son pouvoir. Il lui demande même si c'est un acte révolutionnaire afin de dresser les autres contre lui.


“Où veux-tu en venir, petite furie ?”


Mais seule Antigone connaît ces raisons : pour moi.



“Je veux te sauver, Antigone,” déclare Créon, démuni.


“Vous êtes le roi, vous pouvez tout,

mais cela, vous ne le pouvez pas.”


Finalement, il tente de lui faire peur en parlant de torture, mais même cela ne semble pas briser la détermination de la jeune femme.


Créon avait tenté jusqu'à présent de se poser en tant que supérieur hiérarchique d’Antigone. En tant que roi, en tant qu'oncle, en tant que gendre, en tant qu’homme d'âge.

Mais ceci ayant échoué, il se pose à présent en tant que son égal. Il a en face une personne qui lui tient tête et qui menace non seulement son pouvoir, mais également son salut émotionnel et spirituel.


Thèbes est sur le point de basculer dans une révolution, mais Créon décide que les affaires urgentes peuvent attendre. Il explique alors les raisons qui le poussent à laisser le cadavre de Polynice exposé au soleil : il souhaite ainsi dissuader ses ennemis et leur montrer la sévérité de la punition qui les attend s'ils osent le défier.


"Il est évident que j'aurais pu faire enterrer ton frère,

ne serait-ce que pour des raisons d'hygiène !

Mais pour que ces brutes que je gouverne comprennent,

il faut que l'odeur du cadavre de Polynice se répande

dans toute la ville pendant un mois."


Il va même plus loin en racontant l'histoire de son neveu, qu'il considère comme un jeune homme irresponsable, gâté et irrespectueux, décrivant un incident où Polynice aurait agressé physiquement Oedipe, son propre père.


"Ce voyou a frappé ton père de toutes ses forces !

C'était pitoyable...

Et là, dans un coin du bureau, Polynice ricanait en allumant une cigarette."


Créon affirme que Polynice désirait ardemment le trône, au point d'être prêt à assassiner son père.


"Les complots se multipliaient,

et les tueurs que nous capturions finissaient toujours par avouer

qu'ils étaient payés par lui."


Toutefois, Créon admet également qu'Étéocle, le deuxième frère d'Antigone, avait également tenté d'usurper le trône et de tuer leur père.


"C'est un pur hasard si Polynice a réussi son coup avant lui."


Créon révèle également l'histoire de la chute des deux princes, une vérité cachée dont il est le seul à être au courant.

À leur mort, pour des raisons politiques, il a dû glorifier l'un des deux (pour en faire un héros et démontrer la trahison de l'autre) et il avoue simplement  :  “j’ai fait ramasser un des corps, le moins abîmé des deux, pour mes funérailles nationales, et j’ai donné l’ordre de laisser pourrir l’autre où il était. Je ne savais même pas lequel. Et je t’assure que ça m’est égal”


Après ce récit, déconcertée, Antigone décide de remonter dans sa chambre et d’oublier ses plans d’enterrer son frère.

C'est un retournement surprenant de situation. Antigone semble momentanément désarmée par les révélations de Créon sur la manipulation politique entourant la mort de ses frères. Sa décision de renoncer à ses plans d'enterrer son frère témoigne de son désarroi face à la complexité des motivations politiques et des implications de ses actions.



"La vie, ce n’est peut-être tout de même que le bonheur", déclare Créon, soulagé.


Ce simple mot a l’effet d’un électrochoc pour Antigone.

Avec une nouvelle force, elle remet en question la valeur morale de la notion de bonheur, le considérant comme synonyme de soumission, de résignation, d’omission.


“Quelles pauvretés faudra-t-il qu’elle fasse,

jour après jour,

pour arracher avec ses dents son petit lambeau de bonheur?”


Elle rétorque qu'il faut sacrifier bien trop de choses au nom du bonheur, y compris ses valeurs et son intégrité. Un prix bien trop élevé à payer pour Antigone, contrairement à Créon qui, pour sauver son propre bonheur, se sent contraint de la faire taire.



L'arrivée d'Ismène au milieu de leur échange surprend Créon.

Elle déclare être prête à accompagner Antigone et à mourir aux côtés de sa sœur.

Cependant, Antigone refuse catégoriquement : "ce serait trop facile !".

Pour elle, les conséquences de ses actes doivent lui incomber entièrement, car elle a agi seule, sans l'aide d'Ismène.


La présence soudaine d'Ismène confirme à Créon que Antigone ne peut être persuadée de changer d'avis et qu'elle ne restera pas silencieuse. Elle représente un danger potentiel pour l'ordre et la stabilité de Thèbes, ce qui motive son arrestation afin d'éviter la propagation de rumeurs et de révolte dans la cité.

A contre-coeur, Créon ordonne l’arrestation d’Antigone.

Les gardes l’emmènent donc en prison, mettant ainsi fin à cette confrontation avec Créon.


L'attitude de Créon envers Antigone est initialement celle d'une autorité qui cherche à imposer son pouvoir et à faire respecter l'ordre établi. Il la considère comme une rebelle défiant ses décrets et cherche d'abord à la convaincre de renoncer à ses actes en usant de son autorité en tant que roi et en utilisant des menaces pour la dissuader.

Cependant, face à la résistance obstinée d'Antigone, l'attitude de Créon évolue.

Il devient plus désespéré et démuni, réalisant que ses tentatives pour la faire plier sont vaines. Malgré ses efforts pour la sauver, il se retrouve confronté à une Antigone déterminée et inébranlable dans ses convictions. 

Finalement, l'attitude de Créon évolue vers une certaine reconnaissance de son courage et de sa détermination, bien qu'il soit confronté à la dure réalité de devoir la condamner à mort pour avoir enfreint ses décrets. 



Hémon, confus et désespéré, rejoint son père et lui demande de libérer sa fiancée.

Créon, tout aussi désespéré que son fils mais conscient qu'il ne peut pas se permettre de faiblir, lui demande de trouver la force pour affronter les événements. Malheureusement, il est contraint de suivre jusqu'au bout ses propres décisions, même si cela implique de sacrifier la vie d'Antigone.

Cependant, Hémon, incapable de reconnaître son père dans le roi qui se tient devant lui, le supplie de faire exception et de ne pas aller jusqu'au bout de son ordre.


“Je suis trop seul et le monde est trop nu si je ne peux pas t’admirer”


“On est tout seul Hémon. Le monde est nu.

Et tu m’as admiré trop longtemps.

Regarde-moi, c’est cela devenir un homme,

voir le visage de son père en face, un jour”


Hémon sort en criant le nom d’Antigone.


Le point de vue de Créon est celui d'un homme pris entre son devoir en tant que roi et son amour pour son fils et sa nièce.

Il se sent contraint d'agir selon les lois et les règles de la cité, même si cela implique des décisions difficiles et des conséquences tragiques.


Quant à Hémon, son point de vue est celui d'un amant désespéré par la situation dans laquelle se trouve sa fiancée, et déchiré par le conflit entre son amour pour elle et son respect pour son père. Il veut convaincre son père de renoncer à sa décision pour sauver Antigone, mais il est confronté à l'autorité implacable de Créon et à sa propre impuissance.



Antigone est à nouveau escortée, les gardes tentent de la protéger de la foule qui cherche à envahir le palais.

Créon sort pour contenir la foule, laissant Antigone avec un garde.

Entre discussions furtives et légères, Antigone essaie de savoir comment ils vont la mettre à mort.


“J’ai entendu dire que pour ne pas souiller la ville de votre sang

ils allaient vous murer dans un trou”


Apeurée, elle demande au garde d'écrire et de remettre une lettre à Hémon une fois morte. Elle dicte :

“Maintenant à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs. J’ai peur”

“Je le comprends maintenant combien c'était simple de vivre”


Mais elle se ravise et demande de rayer la lettre. Elle demande simplement pardon.


Les gardes arrivent et emportent Antigone vers sa mort.

Ils sortent tous.



Le chœur et le messager font leur retour sur scène. 

Le messager cherche la reine Eurydice pour lui annoncer une terrible nouvelle : dans son cachot, Antigone s'est pendue avec sa ceinture, et Hémon a tenté en vain de récupérer son corps. Désemparé, il a finalement décidé de s'ôter la vie en se poignardant aux côtés de sa bien-aimée.


Apprenant la mort de son fils, la reine, dans un geste désespéré, se tranche la gorge.


Créon, après avoir été témoin du suicide de son fils et de sa nièce, est informé du décès de sa femme. Résigné, il déclare simplement : “Cela doit être bon de dormir.”

Il quitte la scène avec son page pour se rendre à une réunion de conseil.


Fin



  1. Analyse de personnages 


Antigone


Jeune femme de 20 ans, elle est un personnage complexe et rempli de nuances.


On peut la diviser en deux aspects : l'Antigone sociale et l'Antigone authentique.


L'Antigone sociale est décrite par tous comme petite, maigre, terne et solitaire, parfois même comparée à une bête. Elle est introvertie, manque de confiance en elle et ressent des sentiments d'infériorité, qu'elle exprime à son fiancé Hémon, dont elle est amoureuse.


“Tu es bien sûr qu'à ce bal où tu es venu me chercher dans mon coin,

tu ne t’es pas trompé de jeune fille?

Tu es sur que tu n’a jamais regretté depuis?”


“Je n’étais pas très sûre que tu me désires vraiment

et j’avais fait tout cela pour être un peu plus comme les autres filles,

pour te donner envie de moi” 


En effet, Antigone se distingue des autres femmes de son âge et, surtout, elle est différente de ce qu’on attend d’une princesse de Thèbes, contrairement à sa sœur Ismène, avec qui on la compare constamment.


“ Je suis noire et maigre.

Ismène est rose et dorée comme un fruit”


Ceux qui la connaissent la décrivent surtout comme une jeune femme têtue avec un "sale caractère".


"Tu m’as toujours dit que j’étais folle,

pour tout, depuis toujours."



Antigone est en vérité une épicurienne et une idéaliste qui aime la vie et qui trouve la beauté là où les autres ne la trouvent pas. Elle privilégie son temps seule dans la nature.

Elle ne trouve aucun plaisir à être en société et à faire des bonnes manières pour être acceptée. Elle ne se plie pas aux valeurs de la société, ne cherche pas à être hypocrite ni à utiliser des stratégies sociales. Tout cela nous permet de comprendre son comportement ultérieur.

Elle est une femme libre, sauvage, impulsive, intransigeante, intense, préservée de tout ce qui pourrait corrompre son esprit.


“Qui se levait la première, le matin, rien que pour sentir l’air froid sur sa peau nue?

Qui se couchait la dernière seulement quand elle n’en pouvait plus de fatigue,

pour vivre encore un peu plus la nuit?

Qui pleurait déjà toute petite en pensant qu’il y avait tant de petites bêtes,

tant de brins d’herbe dans le pré

et qu’on ne pouvait pas toutes les prendre?”


Lorsque la pièce prend place, l'Antigone authentique se révèle sous nos yeux et aux yeux du monde pour la première et dernière fois.


“Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure,

qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée

que personne ne prenait au sérieux dans la famille

et se dresser seule face au monde”


“Il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout”



Nous ne connaissons rien de l’enfance d’Antigone, mais elle voue une loyauté et un amour à sa famille aussi intense qu’une femme comme elle pourrait donner : passionnel et absolu.


Ceci n’est pas mentionné dans la pièce mais dans le mythe, après qu’Œdipe a appris qu’il avait, sans le savoir, tué son père Laïos et épousé sa mère Jocaste, avec qui il a eu quatre enfants. Œdipe se crève les yeux et part en exil, avec pour guide sa fille - et sœur - Antigone.


Ce dévouement est perçu par la suite lorsqu’elle décide d’enterrer son frère au coût de sa propre vie.


Cependant, malgré cette sous-estimation d’elle-même, Antigone finit par remporter l’amour de tous les personnages, même si Ismène semble être celle à qui cet amour devrait logiquement être destiné : Hémon, la nourrice...

Antigone est aimée pour son authenticité et la force de l’amour qu’elle octroie aux autres.


L'attitude d'Antigone envers sa nourrice, sa sœur et son fiancé est complexe et révélatrice de sa personnalité ainsi que des enjeux de la pièce.

Avec sa nourrice, Antigone semble rechercher un réconfort maternel, cherchant à retrouver une forme de sécurité dans les bras de celle qui l'a élevée. Cependant, elle se montre aussi dure envers elle, exigeant son soutien dans des actions risquées.

Envers sa sœur Ismène, Antigone semble adopter une attitude plus directive et parfois même manipulatrice, tentant de la convaincre de participer à des actes allant à l'encontre des lois établies. Malgré tout, il y a un lien fort entre les deux sœurs, marqué par la complicité et les secrets partagés.

Avec son fiancé Hémon, Antigone se montre à la fois passionnée et déterminée. Elle est prête à renoncer à leur relation pour suivre ses convictions, même si cela signifie rompre leurs fiançailles. Son refus de l'épouser montre sa fermeté dans ses principes et sa détermination à suivre sa propre voie, même au prix de l'amour.

Dans l'ensemble, l'attitude d'Antigone envers ces personnages révèle sa force de caractère, sa loyauté envers sa famille, mais aussi sa volonté farouche de défendre ses convictions, même au mépris des conséquences personnelles.


Antigone atteint un stade d'acceptation ultime de son destin lorsqu'elle décide de rendre les rites funéraires à Polynice, son frère, malgré l'interdiction du roi, son oncle.

Au début, elle agit dans l'ombre de la nuit pour couvrir le cadavre de son frère, mais elle revient ensuite en plein jour une fois qu'elle réalise qu'elle n'a plus rien à perdre et que son acte de rébellion sera découvert tôt ou tard.

Elle est déterminée à accomplir son objectif coûte que coûte, même si elle sait que ses efforts seront vains, car le cadavre de son frère sera toujours découvert.

Elle se confronte ouvertement au roi, se tenant face à lui à la lumière du jour, affirmant ainsi sa résolution et son opposition frontale à son autorité.


Antigone adopte une attitude kamikaze, un terme japonais signifiant « vent divin » ou « intervention divine ». Cette référence nous renvoie directement à la version de Sophocle d'Antigone, où l'héroïne se sacrifie pour accomplir une obligation religieuse et démontrer que la loi des dieux prévaut sur la loi des hommes, représentée par Créon.

Plusieurs facteurs contribuent à la disposition des kamikazes à accepter la mort, même s'ils peuvent éprouver de la peur (un sentiment qui n'est pas absent lorsque Antigone se retrouve seule avec le garde lors de ses derniers moments).

Il y a une idéologie intense qui vise à renforcer la détermination et à minimiser toute hésitation ou peur, ainsi que la honte personnelle et familiale si la mission est refusée. Enfin, il y a la promesse d'une récompense ultime, notamment spirituelle, telle que la place promise au paradis.



Nous pouvons faire le lien de cette attitude chez Antigone lors de ses échanges avec Créon, où elle semble exiger sa propre mort plus qu’exiger une sépulture digne pour son frère.


Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander à ce moment-là :

Est-ce qu'Antigone désire la mort ?

Son frère n'est-il finalement qu'une excuse ?


Créon perçoit rapidement cela et le qualifie comme étant "l'orgueil d'Oedipe", c'est-à-dire la notion selon laquelle un être humain se sent supérieur aux autres dans tous les aspects, y compris la mort. Ils sont à l'aise avec des choses qui n'arrivent pas aux autres.

Ainsi, Antigone n'accepterait de mourir que pour une raison grandiose et non pas comme le reste des mortels. Dans ce cas-ci, en se sacrifiant pour un mort.


“Pour ton père non plus … le bonheur il n’en est pas question.

Le malheur humain c’est trop peu…

il vous faut un tête à tête avec le destin et la mort”


Et peut-être que c'est vrai, mais ce qui est également vrai est que Créon ne parvient pas à comprendre, du moins au début, les raisons subtiles et profondément enracinées qui motivent Antigone : sa quête de liberté.


Plus que pour son frère, elle veut mourir pour ses idéaux.


Antigone possède une certaine innocence enfantine où elle voit le monde de manière catégorique. Elle refuse de grandir et de devoir se sacrifier et pactiser avec la médiocrité et les compromis nécessaires de l'âge adulte.


« Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! »

“Moi, je veux tout, tout de suite - et que ce soit entier -

ou alors je refuse !

Je ne veux pas être modeste, moi,

et me contenter d’un petit morceau si j’ai bien été sage.”


Elle souhaite plus que tout dire “non” : non à la complaisance, non à la médiocrité, non à la sagesse contraignante, non à l'injustice, non à l'hypocrisie, non à l'ordre social établi.

Créon finit par comprendre cela et ne peut que, d'une certaine façon, accomplir le souhait d'Antigone en lui accordant son souhait ultime : la mort.



 “ Antigone était faite pour être morte.

Elle même ne le savait peut être pas, mais Polynice n'était qu’un prétexte…

ce qui était important pour elle était de refuser et de mourir”



Rapidement nous pouvons évoquer la notion de “Live fast. Die young”

La mentalité de vivre intensément et de mourir jeune peut être liée à plusieurs facteurs.

Pour certaines personnes, cela peut découler d'une quête de sensations fortes, d'une rébellion contre les normes sociales ou d'une recherche d'authenticité et de vérité dans une vie souvent perçue comme banale ou ennuyeuse. Ces individus peuvent ressentir un désir ardent de vivre pleinement chaque instant, de ressentir des émotions fortes et de vivre des expériences hors du commun.

Pour certaines personnes comme Kurt Cobain, la mort jeune peut sembler être une conséquence inévitable de leur mode de vie intense et de leurs luttes personnelles. Ils peuvent percevoir la mort comme une libération de la douleur et des tourments qu'ils ressentent dans leur vie quotidienne. Cette mentalité peut également être renforcée par des idéaux romantiques ou une fascination pour la notion de l'éphémère et de la jeunesse éternelle, qui sont souvent véhiculés dans la culture populaire et la musique rock en particulier.


Pour Antigone, son objectif n'est pas de mourir jeune, mais plutôt de vivre pleinement et authentiquement, même si cela doit entraîner sa mort prématurée.


Créon : 


Homme d'âge mûr, aux cheveux blancs.

Tantôt décrit comme tranquille et intellectuel, il apprécie la musique, les reliures et les promenades chez les antiquaires.


Il n'a jamais aspiré à devenir roi.

Lorsque Thèbes se retrouve sans souverain à la suite du conflit entre Étéocle et Polynice, Créon abandonne ses passe-temps pour prendre en main les affaires de la cité.


 “Il a laissé ses livres, ses objets,

il a retroussé ses manches

et il a pris leur place”


Pourtant, il maintient une certaine distance personnelle par rapport à son statut.

Il n'est pas animé par l'orgueil ou l'égo, et le pouvoir ne le motive pas.

Être roi est pour lui un travail comme un autre.


“Un matin je me suis réveillé roi de Thèbes.

Et Dieu sait si j'aimais autre chose dans la vie que d’être puissant”


“Quelquefois, le soir, il est fatigué

et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes (...)

Et puis au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre,

et il se lève, tranquille, comme un ouvrier, au seuil de sa journée”


Il est un roi pragmatique qui adopte une vision stratégique de sa position. Il anticipe et planifie des stratégies pour maintenir l'ordre dans la ville.


“J’ai résolu avec moins d’ambition que ton père,

de m’employer tout simplement à rendre l’ordre de ce monde

un peu moins absurde”


Lorsqu'il échange avec Antigone, d'importants problèmes se présentent à lui. Il se retrouve écrasé par le devoir qu'il a envers son peuple et tiraillé par l'amour qu'il a pour sa nièce.


Tout d'abord, il est important de souligner que son statut est tout récemment acquis.

Si le cadavre de Polynice pourrit encore au soleil, cela signifie qu'au moment où la pièce se déroule, il est roi depuis quelques semaines, voire quelques jours.

Son objectif premier est de maintenir l'ordre et la stabilité à Thèbes  - surtout après les révoltes et tentatives de Polynice de prendre le pouvoir par la force- .

En condamnant son neveu Polynice aux vautours, il le fait à contrecœur afin de transmettre un message aux opposants.

Cependant, Antigone, en proclamant haut et fort son opposition à sa loi, met en péril cet ordre si précieux pour Créon. Si ce dernier ne parvient pas à prouver qu'il est assez fort pour contrôler sa famille, son pouvoir, nouvellement acquis, sera menacé et il sera perçu comme faible aux yeux de ses sujets.


“Ils disent que c’est une sale besogne,

mais si on ne la fait pas, qui la fera ?”


Mais Créon est loin d'être un tyran insensible.

Au contraire, il fait preuve d'empathie et tente de comprendre les motivations d'Antigone, même si celles-ci lui échappent parfois. Malgré ses efforts pour la raisonner et ainsi la sauver, ses tentatives sont vaines.


“Aucun de nous n'était assez fort pour la décider à vivre”


Antigone déclare : "Je vous fais peur."

Et peut-être qu'en effet, Antigone serait la première personne que Créon, en tant que nouveau roi, tuerait.

Il est rongé par le stress moral et éthique de cette décision. Non seulement il ôte la vie d'une personne, mais en plus, cette personne est sa nièce, ce qui a des conséquences psychologiques très profondes.


Contrairement à Antigone, qui est prisonnière dans cette situation et condamnée à mort, elle semble avoir plus de contrôle, de détermination et de conviction que le roi lui-même, qui se retrouve à subir la situation.



Antigone “Vous allez tout de même me faire mourir tout à l'heure,

vous le savez, et c’est pour cela que vous avez peur”


Créon “Aie pitié de moi,

vis”


Ismène


Soeur aînée d’Antigone.

Elle est décrite comme étant "blonde, belle, heureuse", incarnant ainsi l'image de la femme et de la princesse parfaite. Elle semble satisfaite de son rôle et n'éprouve pas le besoin de remettre en question les choses. On peut supposer qu'elle mène une vie épanouie.


Ismène exprime un amour inconditionnel pour sa petite sœur, même si elle n'ose pas vraiment s'opposer à la loi de Créon. 

Le rôle d'Ismène dans l'histoire est principalement celui d'un personnage de contraste avec Antigone. Elle représente la voie de la conformité et de la prudence, s'efforçant de suivre les règles et d'éviter les conflits. 

Son personnage illustre les différentes façons dont les individus réagissent aux défis moraux et aux dilemmes éthiques, apportant ainsi une complexité supplémentaire à l'histoire.


Elle tente néanmoins de rassembler le courage nécessaire pour accompagner Antigone dans son objectif d'enterrer leur frère.

Cependant, ce n'est pas le manque de courage qui l'empêche d'agir, mais plutôt le manque de justification pour une telle action. Elle déclare : "Je ne veux pas mourir".


La seule raison qu'elle trouve pour accompagner Antigone n'est pas un devoir envers Polynice, des principes éthiques ou religieux, mais simplement son amour pour sa sœur.

Elle accepte de mourir pour ne pas vivre sans elle, affirmant : "Je ne veux pas vivre si tu meurs, je ne veux pas rester sans toi !"



Hémon: 


Jeune homme cousin d’Antigone et fils de Créon.


“Tout le portait vers Ismène.

Son goût de la danse, des jeux, son goût du bonheur et de la réussite,

sa sensualité aussi” 


Il est follement amoureux d’Antigone, même si “personne n’a jamais compris pourquoi”.

Cependant, nous pouvons comprendre à un moment qu’il échange avec son père la raison qui le lie à Antigone : sa vision idéaliste et radicale du monde.


Hémon représente une nouvelle génération qui remet en question les valeurs et les normes établies par l'ancienne génération, symbolisée par Créon.

Leur affrontement reflète les tensions entre tradition et changement, autorité et liberté individuelle.

Tout comme Antigone, il se retrouve à un point déterminant de sa vie : celle de devenir un homme, de grandir. Et avec cela les nuances qui s'imposent à la vie adulte.


Créon “Chacun de nous a un jour, plus ou moins triste, plus ou moins lointain,

où il doit enfin accepter d'être un homme.

Pour toi, c'est aujourd'hui...

Et te voilà devant moi avec ces larmes au bord de tes yeux et ton cœur qui te fait mal

—mon petit garçon, pour la dernière fois…”


Hémon “Père, ce n'est pas vrai! Ce n'est pas toi, ce n'est pas aujourd'hui!

Nous ne sommes pas tous les deux au pied de ce mur où il faut seulement dire oui.

Tu es encore puissant, toi, comme lorsque j'étais petit.

Ah! je t'en supplie, père, que je t'admire, que je t'admire encore!

Je suis trop seul et le monde est trop nu si je ne peux plus t'admirer.



Avec Antigone, il se montre patient, aimant, fort et courageux. Il l’aime et l’accepte telle qu’elle est et est prêt à mourir à ses côtés.


‘Crois-tu que je pourrai vivre, moi, sans elle?

Crois-tu que je l'accepterai, votre vie?

Et tous les jours, depuis le matin jusqu'au soir, sans elle”



Nourrice:  


Elle est la figure maternelle d’Antigone et d'Ismène. Malgré tout, elle porte une affection plus profonde pour Antigone.


“Tu étais ma préférée malgré ton sale caractère.

Ta sœur était plus douce, mais je croyais que c'était toi qui m’aimais.”


Antigone l’appelle : “ma vieille pomme”.

Elles ont une relation très tendre et douce, et Antigone trouve en elle un pilier, une ressource, un soutien.


Antigone : “Nounou plus forte que la fièvre, nounou plus forte que le cauchemar,

plus forte que l’ombre de l’armoire qui ricane.”


Nounou : “Tu me fais tourner en bourrique.”



Les prochains personnages incarnent des fonctions et apparaissent peu sur scène 


Choeur


Traditionnellement dans le théâtre grec, le chœur commente les actions, offre des réflexions morales et philosophiques, et aide à guider les émotions du public.

Dans "Antigone", le chœur joue un rôle similaire en fournissant des observations sur les événements et les personnages, tout en soulignant les thèmes centraux de la pièce.

Il incarne le narrateur omniprésent qui connaît le passé, le présent et le futur avant même les personnages. Il joue un rôle d'intermédiaire entre les spectateurs et les personnages, en renseignant et commentant les événements de la pièce.


Eurydice: 


La reine, femme de Créon et mère d’Hémon.

Elle est bonne, digne, aimante et aime tricoter.


Son rôle, bien que limité en apparence, est crucial pour illustrer la solitude et le désespoir de Créon. Le chœur souligne son inutilité apparente dans les affaires de Créon en disant : "Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul."


Lorsqu'elle apprend la mort de son fils Hémon, elle se suicide en se tranchant la gorge, ajoutant une couche supplémentaire de tragédie à l'histoire. Son acte désespéré symbolise l'effondrement total de la famille de Créon et l'ultime conséquence de ses décisions rigides.


Messager


"Il sait déjà." 

Il informe les autres personnages et le public des événements tragiques qui se déroulent hors scène, par exemple il annonce la mort d'Hémon, apportant ainsi les nouvelles tragiques qui intensifient le drame.


3 hommes gardes


“Ce ne sont pas des mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants et des petits ennuis comme tout le monde” 


Ils incarnent la force brute qui ne réfléchit pas et exécute les ordres donnés.



  1. Analyse : Quelle question a voulu répondre l’auteur?



Est-il préférable de mourir pour ses convictions

ou de vivre dans la complaisance ?



Anouilh aborde des thèmes universels et intemporels, tout en les situant dans le contexte de la France occupée pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il est réputé pour dépeindre des «combats passionnés où l’idéalisme et la pureté se heurtent au réalisme et à la compromission ».


Antigone incarne des notions telles que la jeunesse, l'idéalisme, l’opposition et l'éthique personnelle, et s’oppose directement aux notions incarnées par Créon, qui représente, par opposition, la maturité, le réalisme et le devoir social.


Nous allons analyser cette problématique dans la pièce de deux manières : d'une part, de façon politique ; d'autre part, de façon individuelle.


  1. De façon politique : 


Pour Créon 


Vivre dans la complaisance signifie adopter une attitude d'auto-satisfaction excessive ou de contentement passif, souvent au détriment de la croissance personnelle, du développement ou de la réalisation de son plein potentiel.


Un roi ou un leader peut facilement tomber dans la complaisance, croyant souvent que cela est nécessaire pour maintenir l'ordre et la stabilité de la nation. Cependant, cette complaisance peut avoir des conséquences néfastes à long terme.


  1. Maintien du Statu Quo : Le roi ou le leader peut choisir de ne pas introduire de réformes ou de changements, même si ceux-ci sont nécessaires, par crainte de déstabiliser la nation ou de provoquer des conflits. Cette attitude peut mener à la stagnation politique et sociale d’une nation.

  2. Évitement des décisions difficiles : En évitant de prendre des décisions difficiles ou impopulaires, le roi ou le leader peut espérer maintenir la paix sociale et éviter les troubles. Cependant, cela peut aussi signifier ne pas traiter des problèmes sous-jacents importants qui peuvent s'accumuler et devenir plus graves avec le temps.

  3. Satisfaction avec les réalisations actuelles : Le roi ou le leader peut se satisfaire des réalisations passées et ne pas chercher à innover ou à améliorer la gouvernance, pensant que ce qui a fonctionné jusqu'à présent continuera à fonctionner à l'avenir.


Cependant, une nation dirigée par un leader complaisant peut être moins préparée à faire face à des crises imprévues, qu'elles soient économiques, sociales ou environnementales. La capacité de résilience et d'adaptation de la nation peut être compromise.


En tant qu'exemples historiques, nous pouvons faire référence à Louis XVI de France ou aux empereurs de la fin de la dynastie Qing en Chine. Ces dirigeants ont été critiqués pour leur complaisance face aux pressions politiques et sociales, ce qui a contribué à des périodes de crise et de changement radical dans leur pays.

Les dirigeants démocratiques accusés de complaisance sont également nombreux, tant historiquement que dans l'actualité.

Des exemples historiques incluent Herbert Hoover aux États-Unis et Ferdinand Marcos aux Philippines. Ces dirigeants ont été critiqués pour leur incapacité à répondre efficacement aux défis économiques et politiques de leur époque. Dans l'actualité, des dirigeants tels que Nicolás Maduro au Venezuela sont également accusés de complaisance. Leur manque de réforme politique et économique face à des crises nationales a conduit à une détérioration des conditions de vie pour de nombreux citoyens.


Dans le cas de la Deuxième Guerre mondiale - période où la pièce a été écrite - Créon fait directement référence au Maréchal Pétain, qui a été accusé de complaisance et de collaboration avec le régime nazi.

Cette complaisance est complexe, motivée par un mélange de pragmatisme (limitation des dommages), d'idéologie conservatrice et de tentatives de maintien de l'ordre et de stabilité en France occupée (en visant à épargner des vies françaises en évitant des représailles allemandes plus sévères).


Cependant, les conséquences de ses actions ont été largement négatives, tant sur le plan moral qu'historique, conduisant à une condamnation quasi unanime de son régime et de ses politiques après la guerre. Certes, nous pouvons avoir un certain degré d'empathie en considérant que le contexte historique dans lequel se trouvait Pétain était difficile et lourdement chargé, mais en collaborant avec le régime nazi au lieu de s'y opposer frontalement, Pétain est aujourd'hui perçu comme un traître ayant entraîné des conséquences désastreuses sur le plan moral et éthique, notamment en facilitant la déportation et l'extermination de dizaines de milliers de Juifs français.


De son côté, Créon incarne également une forme de complaisance, mais pas de manière évidente ou simple. Elle est subtile et se manifeste principalement à travers son attachement rigide aux lois et à l'ordre établi, même au détriment de la morale et de l'éthique.


Il est important de souligner que Créon ne montre pas seulement des signes de complaisance, mais qu'il tente également, dans un premier temps, d'affirmer son pouvoir, notamment à ses débuts, afin de ne pas faire preuve de faiblesse face à ses ennemis. 


“Il joue au jeux difficile de conduire les hommes”

 

Mais il le fait lorsqu’il se montre inflexible dans son application des lois de la cité (Polynice ne peut être enterré sous peine de mort). Il privilégie sa propre autorité sur les lois divines et la compassion humaine, refusant le changement et sacrifiant des valeurs humaines fondamentales au nom du maintien de l'ordre public.

Pour Créon, maintenir l'ordre public et l'autorité de l'État est primordial.

Il croit fermement que son devoir en tant que roi est de faire respecter les lois à tout prix, même si cela signifie condamner à mort sa propre nièce. Sa complaisance réside dans son acceptation aveugle que l'ordre et l'autorité sont des valeurs absolues, sans considérer les nuances et les contextes éthiques des situations individuelles.


Pour Créon, gouverner, c’est faire ce qu’on ne veut pas faire mais ce qu'on doit faire afin de garder l’ordre.

Il décrit cela en utilisant la métaphore d’une barque en mer où toute la tribulation est égoïste et individualiste.

Gouverner, c'est tenir la barque le mieux possible malgré la tempête et l'individualité de chacun.


"Crois-tu alors qu’on a le temps de faire le raffiné,

de savoir s’il faut dire oui ou non ?"


Sa rigidité, son refus de comprendre les perspectives opposées et sa négligence des conséquences humaines illustrent comment la complaisance peut mener à des décisions tragiques et à des conflits moraux.

En fin de compte, la complaisance de Créon aboutit à la destruction de sa famille et à sa propre ruine, soulignant les dangers d'une adhésion aveugle à des principes rigides sans considération pour l'humanité.


Pour Antigone


Sophocle et Anouilh utilisent le personnage d'Antigone pour plaider contre la tyrannie.

Antigone incarne la détermination et l’opposition. Elle prône des valeurs d’honneur et d’intégrité, et se rebelle contre l’injustice, l’hypocrisie et le mensonge.

Elle symbolise la lutte et affirme son droit à la révolte et à sa liberté de conscience


« Je suis là pour vous dire non et pour mourir. »


Elle lutte pour son droit divin de choisir, de faire ce qui lui semble juste malgré les impositions sociales et l’ordre imposé.

Elle défend ses idéaux et ses valeurs personnelles au détriment de sa propre vie.


Créon : "C’est facile de dire non."

Antigone : "Pas toujours."


Créon : "Pour dire oui, il faut suer et retrousser ses manches."

Antigone : "Moi je peux dire non encore à tout ce que je n’aime pas et je suis seul juge."

"Moi je ne suis pas obligée de faire ce que je ne voudrais pas."



Antigone peut être assimilée à Jean Moulin lors de la Deuxième guerre mondiale en raison de son esprit de rébellion et de son engagement pour des principes supérieurs face à une autorité oppressive.

Figure emblématique de la Résistance française, Jean Moulin a risqué et finalement sacrifié sa vie pour lutter contre l'occupation nazie et le régime de Vichy. Il a organisé la Résistance intérieure française et a payé de sa vie son engagement.



Rester fidèle à ses convictions, même au prix de la vie, peut être vu comme la forme ultime d'intégrité personnelle. Les martyrs et les héros peuvent inspirer les générations futures à lutter pour la justice, l'égalité et les droits humains. Leur sacrifice peut catalyser des mouvements de changement et des réformes sociales. Ces héros contemporains illustrent comment des individus peuvent s'opposer à des régimes ou à des actions immorales et injustes, au péril de leur sécurité personnelle. Leur courage et leur détermination inspirent des millions de personnes à travers le monde à lutter pour un avenir plus juste, éthique et durable.

De nombreux héros, figures de la résistance, peuvent être ici nommés : Jeanne d’Arc, Martin Luther King Jr, Dietrich Bonhoeffer, Mahatma Gandhi, Nelson Mandela, etc.

De nos jours, des héros contemporains continuent à interpeller les dirigeants mondiaux sur leurs responsabilités : Greta Thunberg, Malala Yousafzai, Joshua Wong, etc.


Par contre, Anouilh nous laisse un questionnement doux-amer :

Est-ce que la vieillesse tombe dans la complaisance ?

Est-ce que la lutte n’est pas réservée à la jeunesse ?


Anouilh évoque subtilement la nostalgie du courage et du radicalisme de la jeunesse qui se lève et qui lutte pour les futures générations.


“J'écoutais du fond du temps un petit Créon maigre et pâle comme toi

et qui ne pensait qu'à tout donner lui aussi”


En effet, les jeunes sont souvent associés à la lutte pour plusieurs raisons : La jeunesse est souvent une période de grande énergie physique et de vitalité, ce qui peut être essentiel pour des luttes actives. Les jeunes tendent à être plus idéalistes et moins enclins au compromis, ce qui les pousse à s'engager passionnément pour des causes qui leur tiennent à cœur. Cette combinaison d'énergie, d'idéalisme et de volonté de changement fait des jeunes des acteurs importants dans la lutte pour un avenir meilleur.


Par contre, est un stéréotype courant que les personnes âgées deviennent complaisantes ou conservatrices avec le temps.

Cette perception peut être due à plusieurs facteurs :

  1. Confort et Stabilité : Avec l'âge, les individus peuvent rechercher plus de stabilité et de confort, évitant les risques et les conflits.

  2. Expériences accumulées : Les personnes âgées peuvent avoir vécu des périodes de lutte intense et peuvent maintenant aspirer à une vie plus paisible.

  3. Énergie et Santé : La diminution de l'énergie physique et parfois des capacités cognitives peut limiter la capacité à s'engager dans des luttes actives.


Cependant, il y a de nombreux exemples de personnes âgées qui continuent à lutter activement pour des causes importantes, prouvant que la vieillesse ne mène pas nécessairement à la complaisance; telle est le cas de Nelson Mandela (devenu président de l'Afrique du Sud à l'âge de 75 ans), Jane Goodall (qui reste active dans la conservation et l'éducation environnementale), Ruth Bader Ginsburg (qui a continué à se battre pour les droits civils et la justice jusqu'à la fin de sa vie, à l'âge de 87 ans).


Les capacités individuelles, les circonstances personnelles, et les contextes culturels jouent tous un rôle dans la manière dont les gens participent aux luttes sociales et politiques. Un mouvement inclusif qui valorise les contributions de toutes les générations est souvent le plus fort et le plus durable car il rassemble une diversité d'expériences, de perspectives et de compétences.



En conclusion, nous pouvons dire que nous avons deux points de vue intéressants, chacun ayant ses propres raisons et motivations, invitant le lecteur à s'interroger sur l'ordre social établi.


Anouilh pose la question de savoir si le courage réside dans la résistance à l'oppression, même au prix de la vie, ou dans l'acceptation pragmatique des réalités de la vie, comme le fait Créon.


Pour Créon, il est important de maintenir l’ordre et la stabilité (Anouilh interroge l'humanité et l'éthique des dirigeants qui doivent parfois prendre des décisions cruelles pour maintenir l'ordre), tandis que pour Antigone, il est nécessaire de bousculer cet ordre établi, de l’interroger et de voir s'il correspond vraiment aux valeurs personnelles et communautaires souhaitées, plutôt que d'accepter les choses aveuglément.


Nous ne pouvons que démontrer de l'empathie pour chaque personnage en essayant de comprendre leur posture et le contexte dans lequel ces choix se font.


2. De façon individuelle


Plus qu'examiner la politique, il est important de se concentrer sur le véritable débat entre Antigone et Créon de façon individuelle : dire "oui" ou dire "non".


Cette confrontation souligne les différences fondamentales entre les perspectives de Créon et d'Antigone concernant le bonheur et la vie elle-même.


Alors que Créon voit le bonheur comme un objectif à atteindre à tout prix, même au détriment de la justice et de la moralité, Antigone refuse de sacrifier ses convictions pour une vie confortable mais dénuée de sens.


Cette notion de bonheur proposée par Créon, empreinte de résignation et de compromis avec les valeurs morales, est rejetée par Antigone. Pour elle, le bonheur obtenu au prix de la soumission et de la renonciation à ses principes n'est pas un bonheur authentique, mais plutôt une forme de servitude.


“Vous me dégoûtez tous, avec votre bonheur!

Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte.

On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent.

Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant.

Moi, je veux tout, tout de suite, -et que ce soit entier- ou alors je refuse!

Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage.

Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite

ou mourir.”


Même si la pièce se déroule dans un contexte historique et politique plus large, les dilemmes moraux et les conflits internes qu'elle présente peuvent être appliqués à des situations de la vie quotidienne à une échelle plus petite.


Nous pouvons nous interroger sur nos propres actes de complaisance et d'auto-sabotage.

Sommes-nous parfois tentés de nous conformer aux attentes sociales ou de faire des compromis avec nos valeurs personnelles pour éviter les conflits ou pour obtenir un confort momentané ?

Sommes-nous prêts à sacrifier nos convictions pour éviter les difficultés ou les confrontations ?


Ces questions nous invitent à réfléchir sur nos propres choix et comportements, et à nous demander si nous faisons preuve de courage moral et d'intégrité dans nos actions quotidiennes, ou si nous préférons simplement suivre le chemin de moindre résistance.


En nous inspirant du courage et de la détermination d'Antigone, nous pouvons être encouragés à rester fidèles à nos convictions et à agir avec honnêteté et intégrité, même lorsque cela est difficile.

Trouver un équilibre entre la joie de nos vies quotidiennes et la poursuite constante de l'amélioration personnelle et de la réalisation de nos souhaits et désirs est un défi que chacun doit relever individuellement.


Il est important de souligner que ce choix appartient à chacun. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. À chacun d'assumer par la suite la responsabilité de ces choix.




Edition de la table ronde 1946


Bibliographie :






 
 
 

Comments


Ecrit par Carmen Rozzonelli
 

bottom of page